Colonialismes et colonialités

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Deuxième partie – circulations intellectuelles

Dialogues et circulation des féminismes noirs et post-coloniaux contemporains entre Brésil et France : le cas de Djamila Ribeiro et de la collection Feminismos Plurais

Résumé Encore méconnue en dehors du Brésil, l’œuvre de Djamila Ribeiro commence à circuler en France à partir de 2019 grâce à l’éditrice Paula Anacaona. Ces essais, comme les autres titres de la collection Feminismos Plurais traduits en français, abordent des thématiques différentes reliées aux courants de pensée postcoloniale, comme l’appropriation culturelle, l’intersectionnalité, l’empowerment, le transféminisme.A partir de l’observation de la circulation et de la réception des ouvrages de Djamila Ribeiro et de la collection Feminismos Plurais en France, cet article prétend analyser l’apport des féminismes contemporains à la critique de la colonialité, favorisant la compréhension de la stabilité des phénomènes de subordination et leur enracinement dans l’histoire longue du colonialisme.
Al escribir, pongo el mundo en orden,
le doy una agarradera para apoderarme de él.
Escribo porque la vida no apacigua mis apetitos ni el hambre.
Escribo para grabar lo que otros borran cuando hablo,
para escribir nuevamente los cuentos malescritos acerca de mí, de ti.
Gloria Andalzúa, Carta, 232

Le 29 septembre 2018, de nombreuses villes au Brésil et dans le monde sont traversées par des cortèges imposants, présentés par les médias comme des manifestations historiques pour les mouvements féministes dans le pays. Une mobilisation qui naît dans l’espace virtuel et s’agrège autour du hashtag #elenão, parvenant à la difficile articulation entre luttes virtuelles et protestations de rue. Les femmes brésiliennes ne sont pas les seules à se mobiliser dans le continent, car plusieurs mouvements féministes secouent les sociétés latino-américaines, autour des luttes et des revendications plurielles, comme le droit à l’avortement, la résistance contre la violence extractiviste, la dénonciation de l’impunité des auteurs de viol et de féminicide. Une « explosion féministe »1 multiple et hétérogène qui participe d’une dynamique globale, visible grâce aux formes de lutte digitales, qui fait écho en Europe et contribue à véhiculer et à actualiser des réflexions sur la colonialité et sur ses effets de subalternité. A l’intérieur de cette dynamique, quels pourraient être les effets de ces féminismes contemporains sur la circulation d’idées entre France et Brésil /Brésil et France ? Fondé sur l’étude de cas de Djamila Ribeiro et de la publication des ouvrages de la collection Feminismos Plurais dans l’Hexagone, cet article se structure autour de mots-clés et représente une modeste contribution à la problématisation de la complexité de rapports intellectuels transnationaux entre l’Europe et les Amériques aujourd’hui.

Définitions #

L’étude ici présentée n’a pas pour vocation de reprendre l’ensemble des débats actuels liés aux études postcoloniales2 ni de problématiser les définitions d’études « postcoloniales », « decoloniales », « anticoloniales » dans les espaces francophones et lusophones. La finalité de notre étude étant la circulation des idéaux féministes contemporains, nous nous intéressons plus particulièrement aux influences, réciproques ou unilatérales qu’elles soient, et au dialogue entre les pensées qui s’identifient comme féministes « noires » « afro- », « décoloniales » « postcoloniales » et que, de par l’analyse de la dimension intersectionnelle des structures de domination, représentent une critique fondamentale aux effets de subalternisation de la colonialité. Dans cette perspective, notre analyse contemple également les aspects liés à la traduction, à la publication et à la réception des ouvrages féministes. Si cette dimension pourrait paraître secondaire par rapport à celle théorique, elle permet toutefois d’observer des espaces autres par rapport à la production académique et savante et illustre l’émergence de publics et éditeurs qui contribuent à une plus large diffusion de ces idéaux.

Dans le pays qui présente la plus importante population afro-descendante du continent américain, les mouvements des femmes noires se sont construits dans un contexte multiracial et pluriculturel, ayant comme « axe principal d’articulation le racisme et son impact sur les relations de genre » (Carneiro, s/d.). Dans les années 1980, Lélia Gonzalez avait déjà souligné l’importance de la matrice intersectionnelle dans le féminisme latino-américain dans son ensemble, affirmant que ce dernier se vide de sens quand « il fait abstraction du caractère pluriculturel et multiracial des sociétés du continent et oublie la dimension raciale (Gonzalez 2020, 142). Si, comme l’affirme Constância Lima Duarte, l’histoire du féminisme brésilien est peu connue, en raison surtout du fait qu’elle est peu contée (Duarte 2003), celle des luttes des femmes noires est encore moins connue et contée3. Au début des années 1980, aux marges du processus de redémocratisation4, des groupes et des collectifs de femmes brésiliennes, nombre d’entre elles déjà actives dans le mouvement noir, commencent à se structurer créant le mouvement qui est appelé aujourd’hui « feminismo negro ». La fin des années 1980 et le début des années 1990 sont caractérisés par une « perspective militante et théorique de noircissement et pluralisation du féminisme » (Silva 2018, 254) qui participe à celle qui est communément appelée la troisième vague.

Dans l’introduction au recueil d’essai Explosão Feminista (2018), Heloísa Buarque de Hollanda célèbre l’effervescence des mouvements contemporains féministes au Brésil et en Amérique Latine et souligne que le tournant épistémologique de la dite troisième vague5 seulement aujourd’hui est pleinement appropriée par l’espace public de l’activisme et l’expérience des mouvements LGBTQIs et noirs (Hollanda 2018, 18-19).

Djamila Ribeiro #

Djamila Ribeiro, qui peut être considérée comme une « icone » du féminisme contemporain, dès ses premiers ouvrages se revendique « féministe noire »6. Ses essais et sa posture militante sont tributaires des revendications des premiers mouvements de femmes noires au Brésil et l’auteure déclare sa généalogie intellectuelle, citant largement des figures historiques telles que Lélia Gonzalez et Sueli Carneiro. Cette dernière signe l’oreille de la réédition de Lugar de Fala, premier essai de Djamila Ribeiro et ouvrage qu’inaugure la collection Feminismos Plurais, matérialisant ainsi le lien et la reconnaissance entre générations d’intellectuelles. Considérée comme une porte-parole du féminisme noir, Djamila Ribeiro est très connue au Brésil et Heloísa Buarque de Hollanda la présente, avec Roseane Borges et Helena Vieira, comme l’une des trois intellectuelles et idéologues représentatives des nouveaux « féminismes de la différence » dans le pays (Hollanda 2018, 248). Journaliste, écrivaine, philosophe, éditrice, militante et activiste digitale, le personnage de Djamila Ribeiro ne fait pas l’unanimité au Brésil, se retrouvant souvent au centre de critiques, au sein même des mouvements antiracistes et féministes7. Circulant sans complexe entre la publication d’un essai théorique et la participation à un évènement mondain international habillée en Prada, Djamila Ribeiro est une figure difficile à classer, comme elle-même le souligne : « le problème c’est que le milieu militant me considère comme une universitaire, et l’université me considère une militante » (Ribeiro 2021, 36). La lecture de ses essais et des articles de Djamila Ribeiro montre que cette dichotomie n’est contradictoire qu’en apparence. Le discours et la posture de l’auteure sont l’expression d’une économie globale de la connaissance où les influences théoriques étrangères — principalement étatsuniennes dans le cas de Ribeiro -, s’articulent aisément à celles locales. De même, des auteures féministes noires peuvent signer des bestsellers planétaires, poser sur la couverture de la revue Elle et devenir des célébrités8.

L’engagement dans la divulgation et la valorisation de la pensée féministe noire de Djamila Ribeiro ne se borne pas à l’écriture d’articles et d’essais, mais se décline dans le projet éditorial Feminismos Plurais. Les objectifs de cette collection d’essais sont clairement annoncés dans l’introduction commune à tous les volumes, caractérisés par un format réduit, un prix accessible9 et un langage qui se veut didactique. Dans le texte introductoire, Djamila Ribeiro déclare vouloir présenter au « grand public » des auteur.e.s qui abordent des questions centrales du féminisme. Les différentes thématiques sont reliées aux courants de pensée postcoloniale et décoloniale — l’incarcération de masse, le racisme structurel, la blanchité, l’intersectionnalité, l’empowerment, la transsexualité, le colorisme – et répondent clairement au projet de lutter contre la « délegitimation de la production intellectuelle des femmes noires et/ou latines, ou qui proposent la décolonisation de la pensée » (Ribeiro 2019, 13). Un an et demi après son lancement, la collection comptait déjà huit titres, pour un total de 200.000 exemplaires publiés10.

Du Brésil à la France #

Entre 2019 et 2020 l’œuvre de Djamila Ribeiro commence à circuler en France grâce à l’initiative de l’éditrice Paula Anacaona11, qui publie Chroniques sur le féminisme noir12, La Place de la parole noire13 et Petit manuel antiraciste et féministe14, premières traductions de l’auteure15. A l’occasion de la publication des traductions françaises, l’écrivaine réalise une tournée de présentations en France et en Belgique. Lors des interviews dans les médias français, on l’interroge notamment sur les dérives racistes et misogynes de son pays et sur les nouvelles mobilisations féministes16. Après l’assassinat de Marielle Franco17 et à l’heure où les débordements du Président Bolsonaro et de sa politique environnementale sont scrutés avec inquiétude par la communauté internationale, Djamila Ribeiro incarne un Brésil autre, qui résiste. Pendant la tournée européenne, elle participe à des séminaires dans des universités hexagonales et lors de la rencontre « Décolonisons le féminisme »18 dialogue avec Françoise Vergès, qui signe également la préface du Petit Manuel antiraciste et féministe. Ces échanges révèlent non seulement les réseaux personnels et les solidarités à l’intérieur des mouvements féministes noirs et postcoloniaux mais contribuent à placer les ouvrages de Djamila Ribeiro dans la pensée décoloniale francophone et dans le débat sur les accusations de dérives communautaires et antirépublicaines qui visent des chercheurs universitaires en sciences humaines et sociales qui étudient les structures du pouvoir et des dominations sous une perspective raciale.

Dans l’étude de la réception et de la circulation des ouvrages de Djamila Ribeiro en France, le projet éditorial qui en est à l’origine est loin d’être négligeable. Au début de son activité, en 2009, le catalogue des éditions Anacaona s’articulait notamment autour de traductions d’ouvrages de littérature marginale et périphérique19 et il n’est qu’à la suite de la publication de La place de la parole noire, que l’on peut observer un tournant. A partir de 2019, la collection Epoca commence en effet à se spécialiser dans des « essais pour réfléchir aux problèmes sociétaux depuis une perspective décoloniale du Sud global »20. Paula Anacaona ne se limite pas à traduire et publier une sélection des titres de la collection Feminismos Plurais, mais propose des ouvrages centraux de la pensée féministe et/ou postcoloniale contemporaine encore méconnus du public français. Il est possible de citer Mémoires de la plantation de Grada Kilomba21 ou le recueil Pensée féministe décoloniale, sélection de textes d’autrices brésiliennes et latino-américaines22. Cette anthologie, où les contributions d’autrices fondamentales de la pensée féministe noire, post et décoloniale côtoient les textes d’intellectuelles de la toute dernière génération, notamment des universitaires, montre la continuité dans le temps, la diffusion géographique et la vitalité de ces courants de pensée. La volonté des éditions Anacaona de se spécialiser dans les féminismes contemporains est matérialisé par l’inédit Dialogue transatlantique, perspectives de la pensée féministe noire et des diasporas transatlantiques, qui présente les échanges entre Djamila Ribeiro et l’universitaire Nadia Yala Kisukidi sur des thématiques diverses, comme les espaces intellectuels noirs, l’activisme, l’identité noire, les liens entre mouvement et féminisme noir dans le temps. Premier ouvrage en français de Djamila Ribeiro23, Dialogue transatlantique a notamment le mérite d’aborder des questions centrales dans la réflexion sur les féminismes noirs à partir des éléments de continuité et de différences entre France et Brésil, sans passer par le « détour » théorique et conceptuel étatsunien et anglophone, souvent encore hégémonique dans le débat racial24, en France comme au Brésil. Djamila Ribeiro et Nadia Yala Kisukidi discutent et citent, entre autres, Aimé Césaire, Frantz Fanon, Édouard Glissant, Lélia Gonzalez, Sueli Carneiro et Abdias do Nascimento. Ces auteur.e.s forment un corpus commun de références qui trace des échanges intellectuelles circulaires et qui contredit la fixité de la hiérarchie traditionnelle centre-périphérie. Comme le souligne Maboula Soumahoro dans l’introduction au volume, l’échange entre Ribeiro et Kisukidi représente un « décentrement » qui implique la reconnaissance de l’apport noir étatsunien sur la question du féminisme noir et de la nécessité d’interroger son hégémonie et ses limites (Soumahoro in Ribeiro et Kisukidi 2021, 9).

Circulations #

Dans Petit manuel antiraciste et féministe, Djamila Ribeiro invite à lire, débattre et citer des auteur.e.s noir.e.s, pour contrer l’ « effacement de la production des savoirs noirs et anticoloniaux » (Ribeiro 2020, 63). Plus largement, elle fait jouer son capital symbolique et sa notoriété auprès du public brésilien pour promouvoir ces auteur.e.s noires et décoloniales, montrant une symétrie entre sa posture intellectuelle, son écriture et son projet éditorial25. L’activité éditoriale, la promotion et la divulgation représentent en effet un élément constitutif de l’engagement de Djamila Ribeiro, qui contribue à faire connaître à un public brésilien de non spécialistes des auteur.e.s comme Audre Lorde, bell hooks, Patricia Hill Collins, Angela Davies mais aussi Françoise Vergès et Grada Kilomba, les citant dans ses articles ou signant les introductions aux premières éditions en langue portugaise (Manera 2021, 136-139). Au Brésil comme en France, ces initiatives sont aussi l’expression d’un nouveau marché éditorial, alimenté d’abord par des éditeurs indépendants, comme Anacaona et Boitempo. Un essor éditorial qui répond à une « euphorie dans l’énonciation du signifiant noir » que Kisukidi considère comme inédite dans le contexte français (Ribeiro et Kisukidi 2021, 155). Dans l’analyse de la dimension globale de la pensée critique du fait colonial, les traductions et les éditions sont chargées d’une valeur matérielle et symbolique fondamentale. Dans le cas spécifique de Djamila Ribeiro, la traduction française de Lugar de fala26 ouvre la voie à une reconnaissance dans les milieux académiques européens et à des éditions dans d’autres langues27. Comme le rappelle Lélia Gonzalez, citant à titre d’exemple les cas de Franz Fanon et d’Abdias do Nascimento, dans le processus de consécration des auteur.e.s noires, la légitimation qui vient de l’étranger a un impact considérable dans la réception critique nationale. (Gonzalez 2020, 133).

Dans une perspective plus large, les traductions françaises de Djamila Ribeiro participent à un mouvement circulaire, voire centripète, des pensées féministes noires et post-de-anti coloniales28. Du Sud global, elles migrent vers le centre, comme l’atteste les ventes de l’écrivaine Chimamanda Ngozi Adichie 29 et le succès hors du Brésil de Conceiçao Evaristo30. Cette circulation contribue à combler, d’au moins partiellement, le « déficit de crédibilité » produit par les identités raciales, nationales et/ou de genre de l’auter.e. et peut influencer positivement la réception critique et du public. Pour un.e auteur.e de la dite Amérique Noire, la reconnaissance qui résulte d’une édition dans une autre langue est d’autant plus significative car les barrières de traduction demeurent « ‘organisées dans une matrice coloniale’ » et favorisent souvent les auteur.e.s étatsunien.ne.s qui continuent d’être la référence dans le débat racial , comme le souligne Ribeiro (Ribeiro et Kisukidi 2021, 115). Un phénomène déjà décrit par Lélia Gonzalez qui problématise la passivité du milieu intellectuel noir brésilien, face « à la posture politico-idéologique de la puissance impérialiste dominante du continent : les États-Unis » (Gonzalez 2015). Dans cette perspective, l’analyse de la circulation des féminismes noirs entre France et Brésil peut contribuer à la réflexion sur la catégorie d’améfricanité 31 et sur la portée de l’héritage africain et autochtone comme élément unificateur du continent, dans un processus de décentrement épistémologique.

Conclusion #

Comme Chimamanda Ngozi Adichie, Djamila Ribeiro représente l’actualité des pensées féministes noires contemporaines, nourries de références globales et dont la diffusion est véhiculée tant par des textes produits par un circuit éditorial classique, tant par les réseaux sociaux et les médias (Harpin et Raynaud 2021, 23). L’analyse de la circulation et de la réception de ces pensées noires et post-de-anti coloniales, insérées dans un courant global, révèle un processus de décentrement des échanges intellectuels et participe à la compréhension de la « portée de l’organisation du sexe et du genre sous le colonialisme » (Lugones 2019, 61). Si, comme l’affirme Djamila Ribeiro, la possibilité d’exporter sa pensée et ses réflexions critiques représente une « resignification de la route transatlantique » (Ribeiro et Kisukidi 2021, 117), il reste à observer et analyser les effets de ces mouvements d’idées et leur puissance politique dans la réalisation du changement, à l’heure où dans les Amériques les droits des femmes et des minorités deviennent le terrain de confrontation d’un débat idéologique de plus en plus polarisé.

Références #

Boidin, Capucine. 2009. « Études décoloniales et postcoloniales dans les débats français », Cahiers des Amériques latines [en ligne], no. 62.  https://doi.org/10.4000/cal.1620

Bourguignon Rougier, Claudia. 2021. Un dictionnaire décolonial. Québec : Éditions science et bien commun.

Carneiro, Sueli. (s/d)). « Enegrecer o Feminismo: A Situação da Mulher Negra na América Latina a partir de uma perspectiva de gênero ». https://www.geledes.org.br/enegrecer-o-feminismo-situacao-da-mulher-negra-na-america-latina-partir-de-uma-perspectiva-de-genero/

Duarte, Constância Lima. 2003. « Feminismo e Literatura no Brasil ». Estudos Avançados, vol. 17 no. 49: 151-172.

Espírito Santo Viana, Elizabeth. 2010. « Lélia Gonzalez e outras mulheres: Pensamento feminista negro, antirracismo e antissexismo ». Revista da Refeb, vol. 1, no. 1 (mar-jun) : 52-63.

Falquet, Jules. 2019. « Le quadruple continuum des violences. Apports féministes matérialistes et décoloniaux à l’analyse de la violence, à partir des féminicides en Abya Yala ». In On tue une femme. Histoire et actualités du féminicide, Bodiou Lydie, Chauvaud Frédéric, Gaussot Ludovic, Grihom Marie-José, Laufer Laurie, Santos Beatriz (Dirs.), 129-148. Hermann.

Garcia, Mar. 2012. « Postures (post) exotiques : réveiller les vieux démons de l’exotisme ». In Postures postcoloniales, Mangeon, Anthony, 259-284. Paris : Karthala.

Gonzalez, Lélia. 2015. “La catégorie politico-culturelle d’amefricanité”, Les cahiers du CEDREF [Online], no. 20. https://doi.org/10.4000/cedref.806

Gonzalez, Lélia. 2020. Por um feminismo afro-latino-americano. Rio de Janeiro : Zahar/Editora Schwarz.

Harpin, Tina, et Raynaud, Claudine. 2021. « Féminismes noirs afro-américains et africains : de la (re)lecture comme pratique critique ». Etudes Littéraires Africaines. Dossier Relire les féminismes noirs, no. 51, 7-27.

Hollanda, Heloisa Buarque de. 2018. Explosão Feminista. Rio de Janeiro : Companhia das Letras.

Hollanda, Heloisa Buarque de (org.). 2019. Pensamento feminista, conceitos fundamentais, Rio de Janeiro : Bazar do Tempo.

Lugones, María. 2019. “La colonialité du genre”, Les cahiers du CEDREF [Online], no. 23. https://doi.org/10.4000/cedref.1196; Traduction de Jules Falquet.

Manera, Giulia. 2021. « Djamila Ribeiro et la place des féminismes noirs au Brésil ». Etudes Littéraires Africaines. Dossier Relire les féminismes noirs, no. 51 : 127-143.

Moi, Izabela. 2021. Diálogos transatlânticos. Uma editora em prol da diversidade da literatura brasileira na França, https://www.quatrocincoum.com.br/br/artigos/literatura-em-lingua-francesa/dialogos-transatlanticos

Ribeiro, Djamila. 2018. Quem tem medo do feminismo negro? São Paulo: Companhia das Letras.

__________. 2019. Lugar de fala. São Paulo : Sueli Carneiro ; Pólen, coll. Feminismos Plurais.

__________. 2019. Chroniques sur le féminisme noir. Traduction de Paula Anacaona. Paris : Anacaona.

__________. 2020. Petit manuel antiraciste et féministe. Paris : Anacaona.

__________ et Kisukidi, Nadia Ayala. 2021. Dialogue transatlantique. Perspectives de la pensée féministe noire et des diasporas africaines. Paris : Anacaona.

Silva, Cidinha da. 2018. « Feminismo negro ». In Explosão Feminista, Hollanda, Heloisa Buarque de (org.), 252-260. Rio de Janeiro : Companhia das Letras.

Vergès, Françoise. 2019. Un féminisme décolonial. Paris : La Fabrique éditions.


  1. Voir Hollanda 2018. ↩︎

  2. Pour une synthèse sur le débat sur la circulation des études postcoloniales et décoloniales en France, voir Boidin 2009. ↩︎

  3. Pour une histoire des premières organisations et collectifs de femmes noires au Brésil et la contribution de Lélia Gonzalez voir l’article de Viana 2010. ↩︎

  4. Cidinha da Silva souligne que le movimento negro se développe en parallèle au processus de redémocratisation [pour combattre l’idée que sa] « lutte n’était pas vue comme structurante dans la réorganisation politique du pays » (Silva 2018, 254) ↩︎

  5. Selon Hollanda, l’essor idéologique des années 1980 est marqué par les ouvrages de Gayle Rubin, Cherríe Moraga et Gloria Anzaldúa, Gayatri Spivak, Donna Haraway, Teresa de Lauretis et, au tournant de la décennie, par Trouble dans le genre de Judith Butler. ↩︎

  6. Le recueil d’articles de Djamila Ribeiro publié en 2018 chez la prestigieuse maison d’édition Companhia das Letras, est intitulé de façon provocatoire *Quem tem medo do féminismo negro *? En français, « Qui a peur du féminisme noir ? ». ↩︎

  7. Pour une analyse plus approfondie de la réception de Djamila Ribeiro et son travail de divulgation du féminisme noir voir l’article de Manera 2021. ↩︎

  8. Nous reprenons ici l’analyse de Claudine Raynaud et Tina Harpin sures positions énonciatives et des postures des « stars » des féminismes noirs contemporains Chimamanda Ngozi Adichie et Djamila Ribeiro (Harpin et Raynaud 2021, 19-24). ↩︎

  9. Tous les volumes sont vendus aux prix de 24,90 reais (soit moins de 4 euros au taux d’échange d’octobre 2020). Ils présentent un format très réduit — précisément 11,5x15,5cm – et une identité graphique commune, avec une photographie en noir et blanc de l’auteur.e en couverture. Après le titre, le nom de la collection et celui de la coordinatrice Djamila Ribeiro apparaissent au-dessous de celui de l’auteur.e. ↩︎

  10. Dans le détail : Lugar de fala (Djamila Ribeiro), Interseccionalidade (Carla Akotirene), Racismo Recreativo (Adilson Moreira), Racismo Estrutural (Silvio Almeida), Empoderamento (Joice Berth), Encarceramento em massa (Juliana Borges), Apropriação Cultural (Rodnei William), Intolerância Religiosa (Sidnei Nogueira). Deux autres titres, Escritos de uma vida (Sueli Carneiro) et Ó Paí, Prezada (Carla Akotirene) sont publiés avec le label Sueli Carneiro et figurent également dans la collection, avec un habillage graphique différent. A partir de 2021, à la collection s’ajoutent Colorismo (Alessandra Devulsky), Transfeminismo (Letícia Nascimento), Trabalho Doméstico (Juliana Teixeira) et Discurso de Ódio nas Redes Sociais (Luiz Valério Trindade). ↩︎

  11. Paula Anacaona, traductrice de formation, est la fondatrice de la maison d’édition indépendante Anacaona, spécialisée dans la littérature brésilienne contemporaine, entre autres. ↩︎

  12. Titre original : Quem tem medo do feminismo negro↩︎

  13. Titre original : Lugar de fala. Le texte paraît pour la première fois en 2017 chez l’éditeur Letramento de Belo Horizonte et est republié en 2019 par les éditions Pólen-Sueli Carneiro avec un tirage de 45.000 exemplaires. ↩︎

  14. Titre original : Pequeno Manual antirracista. ↩︎

  15. La France est le premier pays à traduire Djamila Ribeiro et ouvre la voie à des éditions dans d’autres langues. En 2020, Lugar de Fala est publié en Italie (Il luogo della Parola, Capovolte) et en Espagne (Lugar de enunciación, Ambulantes) et d’autres traductions sont en préparation. ↩︎

  16. Le site de la maison d’édition Anacaona présente un dossier de presse que permet d’observer, au moins partiellement, la façon dont les médias français présentent l’auteure dans le contexte de l’actualité brésilienne. Documents et podcasts consultables en ligne à l’adresse : https://www.anacaona.fr/articles-de-presse-autour-de-la-feministe-antiraciste-djamila-ribeiro/. Voir également l’article « Brésil : les féministes se remobilisent après l’élection de Bolsonaro » paru sur Le Nouvel Observateur le 28 Novembre 2018. Article consultable en ligne https://www.nouvelobs.com/monde/20181128.OBS6162/bresil-les-feministes-se-remobilisent-apres-l-election-de-bolsonaro.html ↩︎

  17. Conseillère municipale de la ville de Rio de Janeiro élue par le PSOL (Parti Socialisme et Liberté), militante des droits humaines et engagée dans les batailles contre le racisme, l’homophobie, la violence policière, Marielle Franco a été assassiné le 14 mars 2018. L’acte dont les coupables n’ont pas été identifiés, est considéré un assassinat politique et a soulevé une vague de protestations au Brésil comme à l’étranger. ↩︎

  18. Djamila Ribeiro est reçue à l’Université de Rennes, l’Université Lumière Lyon 2, l’Université Jean Moulin Lyon 3, l’Université Paul-Valéry Montpellier et l’Université Toulouse 2 Jean Jaurès. La Conférence « Décolonisons le féminisme » est organisée le 20 novembre 2019 par la maison d’éditions Anacaona et l’association Autres Brésils dans les locaux du Centre International de Culture Populaire de Paris XIème avec la participation de Joyce Berth et Gerty Dambury. ↩︎

  19. La collection « Urbana — écrire est une arme » présente des titres de Ferréz, de Plínio Marcos et les recueils de contes Je suis Favela, Je suis Rio et je suis encore favela, pour ne citer que quelques exemples. ↩︎

  20. Du site de la maison d’édition Anacaona, https://www.anacaona.fr/collection-epoca-diversite-de-litterature-contemporaine-bresilienne/ ↩︎

  21. Publié originairement en anglais en 2008, le texte est traduit en portugais (une traduction au Portugal, une traduction au Brésil) en 2019 et en français en 2021. ↩︎

  22. Le texte de la couverture interne spécifie plus précisément qu’il s’agit d’une « Traduction collective et féministe du brésilien et de l’espagnol d’Amérique latine » des textes de Sueli Carneiro, Lélia Gonzalez, Maria Lugones, Susana de Castro, Ochy Curiel, Maria Elvira Diaz Benitez, Alba M. Aguinaga Barragán, Miriam Lang, Dunia Mokrani Chávez, Alejandra Santillana, Thula Rafaela de Oliveira Pires, Maria da Graça Costa, Rita Laura Segato, Aura Cumes et Martina Davidson. https://www.anacaona.fr/wp-content/uploads/Pensee-feministe-decoloniale-Anacaona.pdf Nous rappelons que jusqu’à la parution du recueil Pensée féministe décoloniale Maria Lugones seulement l’article la colonialité du genre avait été traduit en français (par Jules Falquet) et publié dans les Cahiers du Credef (Lugones 2019). ↩︎

  23. A paraître en portugais chez Bazar do Tempo avec la traduction de Natália Guerellus. ↩︎

  24. Pour une analyse de l’influence des autrices du black feminism dans l’œuvre de Djamila voir l’article « Djamila Ribeiro et la place des féminismes noirs au Brésil » cité en bibliographie. (Manera 2021, 127-145) ↩︎

  25. La création de la plateforme Feminismos Plurais, lancée en 2020, représente un exemple de l’activité de vulgarisation et de promotion faite par Djamila Ribeiro. https://feminismosplurais.com.br/cursos/ ↩︎

  26. Titre français La place de la parole noire↩︎

  27. Voir la note n. 15. ↩︎

  28. Mar Garcia analyse le mouvement centripète de certains écrivains postcoloniaux (Abdourahman Waberi, Alain Mabanckou, Ananda Devi, entre autres), qui passent d’éditeurs marginaux ou indépendants aux grandes maisons parisiennes. « A l’instar des auteurs de la World Fiction, ces écrivains-monde font également de l’hybridation le moteur de leur écriture et s’installent, ce faisant, dans le centre éditorial ». (Garcia 2012, 271). ↩︎

  29. La traduction brésilienne de We should all be feminists de Chimamanda Ngozi Adichie a été publié en 2015 par la prestigieuse maison d’édition Companhia das Letras, un an après sa parution. Après le succès du titre au Brésil, le même éditeur a publié également Dear Ijeawele, or a Feminist Manifesto in Fifteen Suggestions en 2017, la même année de sa parution en anglais. ↩︎

  30. L’année 2015, quand le Salon du Livre de Paris met à l’honneur le Brésil, Conceição Evaristo est traduite pour la première fois en français grâce aux éditions Anacaona qui publient L’histoire de Poncia↩︎

  31. En contraposition aux termes « Afro-Américain », « Africain-Américain » Gonzalez propose le terme Amefricanos afin de dépasser les limitations de caractère territorial, linguistique et idéologique et d’envisager l’Amérique comme un tout (Sud, Centrale, Nord et Insulaire). Elle souligne que l’élément de la « latinité » à contribué à effacer l’héritage africains à la faveur de celui européen, qui a marqué le continent dans le trauma colonial, et garde en soi des distinctions géographiques et des divisions linguistiques du Vieux Continent. (Gonzalez 2015). ↩︎

Pour citer ce texte :

Giulia Manera. 2023. « Dialogues et circulation des féminismes noirs et post-coloniaux contemporains entre Brésil et France : le cas de Djamila Ribeiro et de la collection Feminismos Plurais ». In Colonialismes et colonialités : théories et circulations en portugais et en français, Guerellus, Natália. Lisbonne-Lyon : Theya Editores - Marge - MSH Lyon Saint-Étienne. https://cosr.quaternum.net/fr/11.

Giulia Manera

Université de Guyane (France)

giulia.manera@univ-guyane.fr

Giulia Manera est enseignante-chercheuse (MCF), professeur de langue portugaise et de littérature brésilienne à l’Université de Guyane. Titulaire d’un doctorat de l’Université Paris Nanterre et de l’Université de São Paulo - USP (Brésil), elle est l’autrice de nombreux travaux sur les représentations de genre, la littérature féminine et les féminismes dans le Brésil contemporain.