Colonialismes et colonialités

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Deuxième partie – circulations intellectuelles

Carolina Maria de Jesus, interprète du Brésil

Résumé Trois siècles et demi d’esclavage constitue un héritage bien ancré dans la société brésilienne d’autant plus que l’intégration de la population Noire n’y a jamais été vraiment planifiée (Fernandes). Au contraire, elle a donné lieu à des pratiques quotidiennes d’exclusion et de violence envers l’afro-descendant, allant à l’encontre des différentes idéologies forgées pour le diluer dans le projet de construction d’un État-nation. Ainsi, la place réservée au Noir dans la société brésilienne a été celle d’un « racisme naturalisé par un système économique, politique et juridique qui a perpétré sa condition de subalternité » (Almeida). L’épistémicide en fait partie et l’a longtemps empêché de quitter sa condition d’objet pour devenir sujet (de son histoire, d’une autoreprésentation), malgré la place indéniable de l’héritage africain pour la culture brésilienne. La littérature brésilienne, en tant que champ de savoir longtemps associé à une élite intellectuelle et économique, n’y fait pas exception. Carolina Maria de Jesus nous a montré, à travers ses récits et sa place sociale, que l’écrivain écrit (et est perçu) à partir de « sa localisation géopolitique et corpo-politique » (Grosfoguel). Dans cette réflexion, nous essayerons de comprendre leur écriture comme un espace pour l’énonciation du sujet marginalisé ainsi que pour la mise en scène d’une mémoire traumatique.

Représentatif au niveau démographique, économique et culturel, l’Afrodescendant a très souvent occupé une place marginale dans les « niches » intellectuelles et littéraires au Brésil. Depuis l’indépendance politique du pays, la littérature a joué un rôle important pour penser la nation et les symboles de son identité. Jusqu’à la première moitié du XXe, elle était l’expression, surtout, d’une classe sociale aisée. Par conséquent, depuis deux siècles, les représentations sociales réalisées par nombre d’écrivains brésiliens se sont construites à partir d’un lieu épistémologique qui a exclu le point de vue du Noir et, notamment, celui de la femme noire (Dalcastagnè 2008). En ce sens, le champ littéraire a reproduit les structures socio-politiques de domination et d’exclusion d’une partie de la population brésilienne car, à quelques exceptions près, nous n’avons pas entendu la voix des femmes afrodescendantes au long du XIXe et de la première moitié du XXe.

1. Carolina Maria de Jesus, outsider within #

Hormis Maria Firmina dos Reis (1822-1917), il a fallu attendre les années 1950 pour voir surgir des marges sociales une voix féminine, noire et périphérique, celle de Carolina Maria de Jesus (1914-1977). Sa rencontre avec le journaliste Audálio Dantas, en 1958, fût le début d’une carrière littéraire fulgurante pour l’habitante de l’ancienne favela du Canindé. Quarto de despejo : diário de uma favelada (1960), titre de son premier ouvrage, a eu un grand succès éditorial au Brésil et à l’étranger, ayant été traduit dans 29 langues. Soixante ans plus tard, l’œuvre de Carolina Maria de Jesus a enfin été reconnue par le milieu universitaire, culturel et éditorial brésilien par les nombreux travaux consacrés à son œuvre ainsi que les récentes expositions et nouvelles éditions de ses ouvrages. Sa production est d’autant plus emblématique qu’elle fraye le chemin pour d’autres auteur(e)s qui s’auto-définissent afrodescendant(e)s ou périphériques (Mello Botton 2020, 25). Cependant, cette reconnaissance n’arrive qu’au terme d’un lent processus et est la preuve d’une reconfiguration du champ littéraire brésilien qui, confronté à l’émergence de voix « ex-centriques » (Hutcheon 1991, 131), doit faire place à d’autres épistémologies littéraires.

En 1972, une décennie après la publication de son premier livre, Carolina Maria de Jesus confie le manuscrit de Diário de Bitita à Clélia Pisa, journaliste franco-brésilienne, et Maryvonne Lapouge-Pettorelli, traductrice. Travaillant pour le compte de la maison d’édition Métailié, elles se sont rendues dans sa résidence rurale, à Parelheiros, São Paulo, et ont reçu, en mains propres, deux cahiers manuscrits, de 194 et 392 pages, dont une partie a fait l’objet d’une sélection et d’une traduction en français, publié posthumément, en 1982. L’édition brésilienne, de 1986, s’est contentée de retraduire du français vers le portugais, en oblitérant une expression linguistique et un style qui lui sont propres (à commencer par le changement du titre originellement prévu par l’auteure, « Um Brasil para os brasileiros » (Fernandez 2018).

Plusieurs critiques ont déjà été faites concernant l’appréciation des lecteurs ou de la critique littéraire sur la qualité littéraire de l’œuvre de Carolina Maria de Jesus. Regina Dalcastagnè alerte sur un regard réducteur porté sur De Jesus comme un simple témoin d’une réalité sociale, effaçant toute valeur esthétique de son œuvre (Dalcastagnè 2008, 96-99). En effet, les nombreuses traductions réalisées de Quarto de despejo sont la preuve d’un engouement envers l’écriture qui dévoile le quotidien des premières favelas brésiliennes - moment même d’une intensification du processus de modernisation des grandes villes au Brésil dont font partie les politiques de desfavelamento. C’est sans doute la raison pour laquelle Diário de Bitita a éveillé si peu d’intérêt, car il n’était plus question du récit de faim et de misère qui a nourri la curiosité des lecteurs au Brésil et à l’étranger, mais d’un récit plus percutant qui, à chaque ligne, déflagre la société des classes, d’hier et d’aujourd’hui, dans toutes ses nuances.

Au contraire de Quarto de despejo, une écriture de l’urgence1, Diário de Bitita a une intention mémorialiste. Par une construction performative, comme toute écriture du je, l’auteure raconte les années passées dans le Minas Gerais avant de migrer à São Paulo, en 1937, où elle vivra jusqu’à sa mort en février 1977. D’une part, Diário de Bitita met en fiction une mémoire traumatique, jusqu’à ce moment-là occulté par l’histoire officielle et, quelque part, par le champ littéraire brésilien. Un traumatisme qui, malgré son caractère subjectif, ne se restreint pas à l’expérience individuelle mais, au contraire, constitue une expérience collective intergénérationnelle (Ortega 2011). La théorie de la post-mémoire, notion forgée par Marianne Hirsch (2012) sur la répercussion des faits historiques traumatiques pour la génération d’après, nous aiderait, ainsi, à réfléchir aux formes de transmission, par la création littéraire, de l’héritage traumatique de l’esclavage et de son expression. Dans Diário de Bitita, De Jesus nous montre combien le passé est réactualisé dans le présent, et ce sous forme d’un héritage socio-ethnique, par les conditions de vie dégradantes des personnages. En effet, des décennies après la fin de l’esclavage, une mémoire coloniale atemporelle, celle du racisme quotidien, est toujours présente dans la société brésilienne et est transmise à la génération d’après de manière à impacter sa perception de la réalité (Kilomba 2019, 213). De ce fait, à travers les différentes discriminations, le traumatisme historique est intensifié au fil des siècles par un processus d’exclusion sociale et économique imposé au Noir au Brésil.

En effet, presque un siècle après l’abolition de l’esclavage, Carolina Maria de Jesus revient sur les histoires « oubliées » mais vivaces de cette mémoire. Dans ce sens, elle met au cœur de son œuvre, et de la littérature brésilienne contemporaine, la transmission d’une mémoire traumatique présente dans la société brésilienne des décennies après la fin de l’esclavage. Comme l’a affirmé Hirsch concernant le roman Beloved (1987) de Toni Morrison, le trauma d’un événement historique tragique, comme la shoah et l’esclavage, peut déclencher une répercussion transgénérationnelle puissante. D’autant plus que la mémoire de l’esclavage n’est pas qu’une représentation du passé. Comme dans le roman de Morrison, les personnages féminins de Carolina Maria de Jesus sont, au contraire, porteurs et narrateurs d’une exclusion historique qui les touche au premier degré et, de ce fait, le traumatisme de l’esclavage devient leur propre mémoire. La littérature devient ainsi le discours capable de récupérer et de préserver les traces du passé tout en donnant à ce même passé, mis en fiction, une version autre des récits de la nation.

D’autre part, le caractère clairement autoréférentiel de son récit ne nous empêche pas de le regarder aussi comme une autofiction dans la mesure où « écrire sur soi est fatalement une invention de soi » (Mounir Laouyen 2002). Ainsi, la part indéniable d’imaginaire présente dans le récit de De Jesus, moyen trouvé par l’auteure pour combler les lacunes de sa mémoire, serait en effet la garantie d’une compréhension de son propre vécu. Dans son interprétation d’un processus socio-historique dont elle fait partie, le psychique apporte des clés importantes pour la compréhension de la répercussion des faits et l’imaginaire devient le gage d’un accès à une connaissance de soi plus profonde par le sujet qui (se) raconte (Ricoeur 2008). L’œuvre se constitue ainsi comme un vestige du passé qui, brouillant les frontières entre le réel et la fiction, se transforme en expérience partagée et portrait d’un pays où modernisation a souvent rimé avec exclusion.

Dans « L’illusion biographique », Bourdieu oppose le récit autobiographique traditionnel, où l’histoire de vie est conçue comme un déroulement chronologique et logique donnant un sens rétrospectif à la vie qui est racontée, au récit telle une trajectoire dont les états successifs occupés par l’individu ont lieu dans « un espace lui-même en devenir » et en relation avec d’autres individus « engagés dans le même champ et affrontés au même espace des possibles » (Bourdieu 1986, 71-72). En effet, le sens chronologique des faits a peu d’importance pour De Jesus par rapport à « la qualité pré-narrative de son expérience humaine » (Ricoeur 2008).

Par son récit, Carolina Maria de Jesus peut, à la fois, avoir une compréhension de soi (l’une des fonctions de médiation de l’œuvre littéraire, entre l’être humain et lui-même) et devenir sujet (du discours/de son histoire). A cet égard, les deux années de scolarité dont elle a bénéficié représentent un point de basculement pour sa formation en tant qu’écrivaine. Ainsi, comme l’argumente Ricoeur, elle peut devenir une identité narrative à travers l’exercice d’écriture qui a balisé sa vie. Celle-ci ne s’oppose pas pour autant à l’idée d’une vie comme une succession d’expériences, dans la mesure où l’histoire que nous racontons de notre propre vie, et qui nous constitue en tant que sujet, ne cesse d’être réinterprétée « à la lumière des récits que notre culture nous propose » (Ricoeur 2008). La vie vécue serait par là une trajectoire constituée d’états successifs, et soumise à la relation avec d’autres individus, que seule la mise en récit permettrait de rendre intelligible.

Lorsque racontée, elle permet à l’individu de devenir le narrateur de sa propre histoire tout en la réinterprétant sans cesse à la lumière d’autres récits. A chaque chapitre de Diário de Bitita, l’histoire du moi fait ressurgir la dimension collective des vestiges mémoriels des Afrodescendant.e.s mis en fiction par un point de vue interne. Ainsi, dans cette écriture du moi qui brouille, sans conteste, les frontières entre le biographique et la fiction, nous voyons se dresser un portrait complexe du processus de non-intégration du Noir dans la société brésilienne. Toutefois, ne témoignant plus d’une réalité perçue par le public comme exceptionnelle, celle de la favela, son récit autobiographique ne semble pas avoir éveillé autant d’intérêt de la part de son lectorat et de la critique.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas négliger l’incomplétude de son récit dont nous ne connaissons qu’une partie et dont la linéarité sous forme de chapitres est d’autant plus artificielle qu’elle a été faite, après sa mort, par ses traductrices qui ont sélectionné et corrigé le manuscrit pour la version publiée (Fernandes 2018). En ce sens, la publication de l’intégralité de ses cahiers reste à faire pour une meilleure compréhension de la portée de son œuvre.

Carolina Maria de Jesus (1914-1977) est sans doute l’une des écrivaines les plus représentatives d’une rupture épistémique dans le champ littéraire brésilien au XXe et a représenté un tournant en faveur de l’incarnation de ce que Mignolo a défini comme un espace frontalier d’énonciation (Mignolo 2008, 297). A travers son œuvre et sa place sociale, elle nous a montré que l’écrivain.ne écrit (et est perçu.e) à partir d’une « localisation géopolitique et corpo-politique du sujet qui parle» (Grosfoguel 2006, 56). Ainsi, son écriture est marquée par une performativité biographique, de sorte que l’analyse de certains de ses récits doit prendre en compte leur caractère aussi bien autobiographique que socio-historique. Dans ce sens, l’œuvre de Carolina Maria de Jesus représente une rupture esthétique pour la littérature brésilienne et un nouveau paradigme pour les auteur.e.s « périphériques » contemporains : une autoreprésentation capable de véhiculer une pensée décoloniale (et non seulement donner la parole à l’écrivain.e/intellectuel.le noir.e).

La place du moi est une marque importante pour la compréhension de la représentation de la réalité en question (pauvre, noire, migrante et petite fille d’un esclave affranchi). Bitita, surnom au sein de sa famille, n’a fréquenté l’école que deux ans mais suffisamment pour apprendre à lire et à écrire. Malgré cette instruction partielle, elle est l’une des rares personnes alphabétisées dans sa famille, l’école gratuite n’ayant été accessible aux personnes noires qu’à partir du gouvernement républicain. En effet, comme nous rappelle Fernandes (2018, 66-67) la scolarisation reste un atout important pour l’insertion de l’Afrodescendant.e dans le marché du travail compétitif. Le peu de scolarité dont De Jesus a bénéficié, mais suffisante pour changer sa relation au monde, reste néanmoins une exception pour une population majoritairement illettrée. Les livres auxquels elle a eu accès de manière fortuite lui ont permis d’élargir son champ de connaissances et de mieux décrypter sa réalité (« Une voisine me prêta un livre, le roman de l’esclave Isaura. Moi qui en avait plus qu’assez d’entendre parler de ce maudit esclavage, je décidai de lire tout ce que je pourrais trouver là-dessus » (De Jesus 1982, 151).

Sa vie durant, De Jesus a récupéré les livres et les cahiers jetés dans les poubelles ou a fréquenté les bibliothèques de ses employeurs, en somme s’est instruite d’une manière aussi précaire que sa propre survie. Savoir lire et écrire, et ce malgré sa condition de vie difficile, l’a en effet placée dans un entre-deux très particulier. Cette double condition, à la fois pauvre et écrivaine, assez antagonique dans le Brésil des années 1960 et 1970, lui a permis de regarder le pays d’un tout autre point de vue et avec acuité (« Je n’étais pas entrée dans le monde directement par la salle de réception, j’étais entrée par le jardin… » (De Jesus 1982, 231). Socio-économiquement en marge mais, relativement, intégrée au système littéraire brésilien, De Jesus pourrait être perçue comme une outsider within, terme-conceptuel avec lequel Patricia Collins a défini la place marginale occupée par l’intellectuelle noire au sein de l’Université aux États-Unis, une marginalité dont elle fait un usage créatif pour élaborer une pensée féministe noire (Collins 2016, 99). Dans ce même sens, le lieu d’énonciation occupé par Carolina Maria de Jesus se présente comme un enjeu important pour la reconnaissance d’une « perspective épistémique fondée sur une géopolitique de la connaissance autre » (Grosfoguel 2006, 52).

C’est surtout un long chemin de prise de conscience de la place de la femme noire dans la société brésilienne, celle qui, comme affirme Collins, est l’autre négatif, à savoir, l’antithèse de l’homme blanc. C’est le chemin suivi par Carolina Maria de Jesus qui, depuis son enfance, perçoit son objectivation sociale et ne devient sujet que par un processus d’autoévaluation que la lecture et l’écriture lui accordent. En effet, l’écriture lui permet de se construire en sujet (Kilomba 2019), son identité narrative, dans la proportion qu’elle déconstruit les embûches du racisme et d’un ostracisme social.

Par l’acte d’autodétermination que l’écriture représente pour De Jesus, elle a pu rendre la parole à des histoires et personnages voilés par l’Histoire et la littérature canonique, surtout en tant que sujet d’énonciation. Le choix de raconter leur univers lui permet d’extérioriser l’expression de leur expérience. Dans ce sens, son identité narrative peut être vue comme une identité commune. Il s’agit ici, également, de la réponse épistémique donnée par la femme subalternisée par l’histoire à partir d’un point de vue qui est le reflet de ses propres expériences et des hiérarchies auxquelles elle a été soumise (classe, genre, race) (Grosfoguel). Par la représentation de son enfance et de son adolescence, De Jesus, femme de lettres et marginale, réalise une radiographie socio-historique assez inédite de la place réservée au Noir dans la société brésilienne post-esclavagiste.

2. Journal de Bitita ou la persistance du passé #

« A mon sens, l’esclavage n’avait qu’à peine diminué » (De Jesus 1982, 188)

Trois siècles et demi d’esclavage constitue un héritage bien ancré dans la société brésilienne d’autant plus que l’intégration du Noir n’y a jamais été vraiment planifiée (Fernandes 2006). Au contraire, elle a donné lieu à des pratiques quotidiennes d’exclusion et de violence à son encontre, malgré les différentes politiques et idéologies forgées pour le diluer dans le projet de construction d’un État-nation. L’abolition n’a point affranchi, affirme Fernandes (2006 62), et le passé esclavagiste, inscrit dans les relations quotidiennes, s’exprime de différentes manières. Pour le sociologue, les discriminations présentes dans les relations interhumaines au Brésil ne sont rien d’autre qu’une « persistance du passé » et mettent en question l’idée d’une utopique démocratie raciale.

En phase avec l’analyse que la sociologie a faite de cette question, notamment par les travaux de Florestan Fernandes, Diário de Bitita apporte une vision interne puissante et critique de la place et de la condition de vie des anciens esclaves et de leurs descendants, dans la société mineira, durant les premières années de la République2. Dans l’idée que la mémoire collective est faite de mémoires individuelles (Halbwachs 1950), Carolina Maria de Jesus tisse un récit qui construit, à partir de son expérience, la représentation d’un groupe.

Née vingt-six ans après l’abolition de l’esclavage, Carolina Maria de Jesus est élevée par sa mère, Maria Carolina, affranchie3 et blanchisseuse, avec l’aide de son grand-père maternel, d’origine Cabinda. Au fil des chapitres, vingt-deux au total, nous accompagnons les épisodes de la vie de l’auteure, de l’âge de 4 ans à l’âge de 26 ans, la veille de sa migration vers l’État de São Paulo, en 1937. L’auteure et sa mère migrent, à un rythme très régulier, en quête de travail. Ce sont des occupations temporaires, comme leur déplacement nous le montre. Au fil du récit, nous accompagnons ces deux femmes qui déménagent de ville en ville, de ferme en ferme. Parfois, elles veulent partir, insatisfaites d’une vie d’exploitation. Parfois, accusées de vol ou victimes de soupçon de leurs patrons, elles sont renvoyées. Toutes ces errances précèdent le départ tant attendu de l’auteure vers la ville de São Paulo, où se situe son premier ouvrage Quarto de despejo (1960).

Au long du journal écrit dans les années 1960-1970, l’écrivaine affirme avoir pris conscience, assez tôt, que la place que ses proches et elle occupaient était inscrite dans un processus historique bien plus large (« L’esclavage était une cicatrice sur l’âme du nègre » (De Jesus 1982, 76)). C’est donc avec lucidité historique qu’elle analyse, à l’âge adulte, les conséquences de l’esclavage dans le quotidien du Noir au XXe. Depuis sa petite enfance, elle fréquente les maisons des personnes aisées, pour lesquelles sa mère travaille, et se rend compte des inégalités sociales et des discriminations dont les Noirs sont victimes (« Ma mère faisait des lessives à la journée et elle gagnait cinq mille reis. Elle m’emmenait avec elle ; je me tenais assise sous les arbres, mon regard se promenait à travers les baies vitrées, j’observais les patrons en train de manger à table » (De Jesus 1982, 43). Ses souvenirs d’enfance et d’adolescence font émerger des questions socio-historiques dont les historiens et sociologues brésiliens se sont emparés depuis la deuxième moitié du XXe. En effet, De Jesus réalise, de manière fragmentaire, le portrait de la condition de vie de la plupart des anciens esclaves et de leurs familles dans le Minas Gerais des années 1920. Le personnage de son grand-père est une représentation claire du processus d’exclusion des Noirs dans cette société post-esclavagiste. Libéré par l’abolition, Benedito José da Silva continuera à travailler encore à l’âge de 73 ans (« Mon grand-père, à soixante-treize ans, extrayait encore des pierres de taille pour que les maçons fassent les fondations des maisons » (De Jesus 1982, 73)). À l’exemple de la plupart des esclaves affranchis, il n’a rien reçu comme dédommagement et quittera sa condition d’esclave pour acquérir celle de pauvre et marginal.

Le récit de vie de la petite fille d’un esclave affranchi revient sur des points faibles de la République en formation, à savoir, la mise à l’écart des anciens esclaves du progrès dans la période de la post-abolition (son exclusion du marché de travail compétitif par manque de formation et qualification, sa mise en concurrence avec les immigrés, les discriminations et les violences raciales subies quotidiennement, le rêve d’accès à la propriété terrienne en vue d’une autonomie économique, etc). Après l’abolition, nulle place pour une citoyenneté du Noir. Au contraire, malgré les différentes promesses, il a été soumis à plusieurs formes d’exclusion. Expulsé ou amené à se déplacer vers l’espace urbain, il n’a bénéficié ni d’indemnisation ni de terres pour en tirer sa subsistance.

Par ailleurs, l’esclave sera, graduellement, remplacé par la main d’œuvre immigrée. Avec l’universalisation du travail salarié au Brésil, comme l’affirme Fernandes (2006, 132-144), les populations esclaves affranchies n’ont pas réussi à concurrencer les immigrés primo-arrivants et se sont retrouvées, du jour au lendemain, soumises à une économie de survie. Carolina Maria de Jesus en parle souvent désabusée et avec ironie. Dans sa région, on plantait moins de café qu’à São Paulo mais les immigrés, notamment d’origine italienne et syro-libanaise, arrivaient en force pour travailler dans les plantations de café ou pour faire du commerce.

L’inégalité d’opportunités entre immigrés et anciens esclaves soulève une question centrale pour l’avènement de la République au Brésil, la réforme agraire. L’accès à la propriété a été fait de manière sélective et n’a bénéficié qu’à l’étranger, et ce pour attirer une main d’œuvre plus importante vers le Brésil. De ce fait, en dehors des terres occupées par les esclaves marrons, aucune parcelle de terre n’a été octroyée aux populations issues de l’esclavage. Avoir un terrain pour planter, c’est un rêve dont De Jesus nous parle au long du récit et qu’elle n’exaucera qu’à la fin de sa vie lorsqu’elle achètera, avec ses droits d’auteur, sa maison à Parelheiros (« Je jalousais ceux qui possédaient de la terre et qui pouvaient planter, en sachant bien que ceux qui l’aiment ne la possèdent pas…Mais mon rêve était de ne pas mourir avant d’avoir acquis de la glèbe à moi » (De Jesus 1982, 173)).

Rentrer dans sa région d’origine (souvent le Nordeste), continuer à travailler pour son ancien propriétaire ou migrer en direction de grandes villes, tels étaient les choix offerts à l’esclave libre. Pourtant, le droit à la terre aurait pu être le moyen de son émancipation économique. De Jesus et sa mère sont la preuve de cette incertitude à l’égard de leur destin. Amenées à migrer fréquemment, elles errent en quête d’un travail pour survivre : cuisinières, domestiques, nourrices, etc. Chaque service rendu fait place à une forme d’exploitation : salaire revu à la baisse ou impayé, expulsion, injures racistes, prisons arbitraires, violences, etc. L’instabilité de leur emploi fait preuve, à la fois, de l’absence de tout contrat et d’une relation entre employeur et employé analogue à celle entre maître et esclave.

Leur condition de vie est très précaire et, dans l’œuvre, assez souvent, le terme « pauvre » est synonyme de « noir ». Leur utilisation est quantitativement aussi importante l’une que l’autre, ce qui nous laisse croire à une superposition entre la condition raciale et sociale. L’aggravement de cette situation est perçu de manière perspicace et précise par De Jesus qui dénonce l’absence d’une volonté politique d’intégrer, de facto, les Afrodescendants dans la société brésilienne. Au contraire, au sortir de l’esclavage, les anciens esclaves ont été livrés à eux-mêmes et sans les moyens de s’ériger en citoyen : « Quand un nègre devenait vieux, il allait mendier, il mendiait à la campagne ; ceux qui pouvaient mendier à la ville, c’étaient seulement les mendiants officiels », « Ils étaient libres mais pauvres », (De Jesus 1982, 43). Des réflexions qui résument de manière lucide la place réservée à l’ancien esclave dans la société brésilienne : soumis à une liberté conditionnée par la pauvreté et l’exclusion. Par ailleurs, la non-acceptation de leur condition et l’effort pour survivre pouvaient prendre différentes formes (délinquance, révolte, mendicité, alcoolisme, etc) qui, sous suspicion, étaient surveillées et réprimandées par l’État par la violence (Nascimento 2016).

Fernandes nous rappelle que la violence envers le Noir a été monnaie courante depuis l’Abolition de l’esclavage et ce pour contraindre toute tentative de revendication à l’encontre de leur marginalisation sociale. La violence qui a été perpétrée était arbitraire, disproportionnée. L’auteure exprime un sentiment d’injustice, sans doute perçu à l’âge adulte et après avoir franchi toutes les étapes de sa marginalisation sociale (de migrante à favelada), qui rejoint vite la certitude que le Noir est victime de plusieurs formes de préjugé dans une société raciste. De Jesus en prend conscience à partir de son vécu, le racisme étant visiblement la cause des violences subies (« Avoir une peau blanche, c’était un bouclier, un sauf-conduit », (De Jesus 1982, 69)). A commencer par la violence policière. Dans la Sacramento des années 1920, les Afrodescendants, notamment les hommes, sont persécutés par la police car considérés comme les principaux suspects dans différentes situations (« Les Noirs avaient peur des policiers qui les poursuivaient sans cesse (…) Mais quelle est donc cette liberté s’il leur faut fuir à toutes jambes les autorités comme s’ils étaient coupables de crimes ? »/« Quand il y avait un crime ou un vol, les Noirs étaient toujours suspects » (De Jesus 1982, 73/113). Carolina de Jesus et sa mère sont d’ailleurs les victimes d’une violence hors-pair et arbitraire, accusées de vol et de sorcellerie (« La ville»). A noter que cette dernière accusation est due au fait que De Jesus sait lire. Incarcérées, elles seront soumises à des humiliations et à des violences physiques.

Par leur regard géo-localisé, la femme noire fait un chapitre à part entière dans le récit de De Jesus. Plusieurs intellectuelles noires engagées ont d’ailleurs analysé le rôle qui leur a été réservé dans la société brésilienne et le lien avec l’héritage du processus colonial (Gonzalez, Carneiro, Collins). En effet, au long de l’histoire, la femme noire a été, à la fois, masculinisée et hypersexualisée. Comme le démontre Collins, au contraire de la femme blanche, surtout des classes sociales plus aisées, la femme noire a toujours travaillé : d’abord, comme esclave ; puis, comme travailleuse domestique, parfois responsable d’entretenir son foyer (Fernandes). Carolina Maria de Jesus et sa mère en sont un exemple. Elles se déplacent au gré des promesses de travail informel et mal rémunéré et expérimentent personnellement les difficultés en lien avec sa couleur de peau et sa classe sociale, la condition ethnique et sociale étant superposées.

Les femmes noires sont la cible d’autres formes de violence. D’une part, l’exploitation de leur travail dans le cadre domestique. Par sa réalité ou celle d’autres femmes noires et pauvres, Carolina Maria de Jesus témoigne d’une exploitation du travail des employées domestiques par les familles aisées et blanches : « Les femmes pauvres n’avaient pas de temps à elles pour s’occuper de leur foyer ; le matin, dès six heures, il leur fallait être dans la demeure de leurs patronnes pour allumer le feu et préparer le petit déjeuner » (De Jesus 1982, 48)). Dans la totalité de l’extrait, une gradation intéressante est faite par l’auteur entre condition sociale et couleur de peau : « Les femmes pauvres », « les domestiques », « les négresses», (Idem, 48). Cela nous amène à voir une intersectionalité dans les relations de travail. Souvent humiliées et victimes de discriminations raciales, les domestiques noires finissent par accepter, par besoin, la subalternité imposée par l’employeur, « Innombrables étaient les femmes qui voulaient travailler, rares étaient les places où travailler. La patronne, on la traitait comme une sainte sur son autel » (De Jesus 1982, 49), et doivent faire preuve de stratégie pour survivre, « Les restes, on leur permettait de les emporter chez elles (…) Pour le dîner, les cuisinières en faisaient bien plus qu’il n’en fallait, pour être sûre qu’il y ait des restes » (De Jesus 1982, 48-49).

D’autre part, si la violence policière touche notamment la population masculine, la violence sexuelle est basée sur le genre et, le plus souvent, a pour cible les jeunes filles noires. Ces pratiques sont quotidiennes et reflètent l’objectivation de la femme noire qui perdurera au-delà de l’esclavage et du métissage forcé : « Mais si, par malheur, la cuisinière avait une fille, aïe ! la pauvre petite négresse s’en servait pour son noviciat sexuel » (De Jesus 1982, 50). Une violence d’autant plus dissimulée qu’elle sera masquée également par des pratiques d’assistance des riches envers les pauvres que l’auteure dénonce : « -Tais-toi ou je te fais boucler/-Oui, pour que votre fils fasse des cochonneries avec moi comme il en fait avec les petites filles que vous recueillez ! Mieux vaut aller en enfer que chez vous, docteur Brand » (De Jesus 1982, 45). En effet, d’autres formes d’abus et d’exploitation du travail des Afrodescendants, qui subsistent dans la société brésilienne, y sont dénoncées, comme le parrainage ou l’adoption des enfants pauvres, orphelins ou illégitimes. Elle fait allusion, à maintes reprises, à ces enfants noirs adoptés par des familles de classe moyenne ou aisées et qui, en vérité, leur rendent des services domestiques sans rémunération (« Il était interdit d’avoir des esclaves, alors les Alvim une des familles riches de la ville prenaient des petits noirs pour les élever » (De Jesus 1982, 87).

La violence est surtout celle du racisme qui, selon Sílvio Almeida (2020), a naturalisé la condition de subalternité du Noir au Brésil par un système économique, politique et juridique. Par le racisme, en effet, d’autres formes de violence ont été justifiées. De Jesus en témoigne de manière récurrente. Elle avoue être exposée depuis son enfance à des formes de racisme par les humiliations verbales de ses camarades (« Moi, je savais que j’étais noire à cause des enfants blancs ; quand ils se disputaient avec moi, ils disaient : Petite négresse, petite négresse puante ! » (De Jesus 1982, 113)) ou de ses patrons (« Tu sais, Carolina, tu viens travailler chez moi et, quand j’irai à Uberaba, je vais t’acheter un remède pour que tu deviennes blanche. Je vais aussi m’en procurer un pour que tes cheveux deviennent lisses…et puis je vais chercher un docteur pour te refaire le nez… » (De Jesus 1982, 159). Ainsi, dans plusieurs situations quotidiennes le racisme apparaît à la surface créant des situations traumatisantes (Kilomba 2019). Toutefois, la couleur de peau est dépréciée à plusieurs niveaux. Dans une échelle raciale, elle sera une valeur de mesure entre Blancs et Noirs, entre Noirs et métis. En effet, l’auteure nous montre le caractère insidieux d’un racisme qui, au long des siècles, a fini par être introjecté par les Noirs et Métis, sous forme d’auto-infériorisation.

Le rapport à la couleur de peau est mis en scène dans plusieurs situations. A commencer par une forme d’autodépréciation ou de miroitement des valeurs ethnocentriques. D’ailleurs, ses relations familiales en disent long sur les rapports socio-ethniques. Au contraire de sa marraine métisse et pauvre, sa marraine blanche représentait pour l’enfant Carolina Maria de Jesus la possibilité d’avoir accès à un autre mode de vie, moins misérable, dont elle rêvait. Toutefois, elle regarde les relations établies entre Blancs, métis, Noirs pendant son enfance avec désillusion et dénonce une forme d’apartheid racial au sein de sa famille et de la société mineira (« Dans la maison du Mulâtre, le Noir n’entre pas. » (De Jesus, 1982 :86). Dans ces relations interraciales et familiales, le refoulement de ses origines noires et un désir de blanchiment social prennent le dessus et reflètent l’introjection d’un modèle racial valorisé (Nascimento 2016, 153-159). Le racisme est un modus operandi qui vient, en effet, jalonner et intensifier un quotidien d’exclusion et de manque.

Au-delà de sa qualité esthétique, la singularité de l’œuvre de De Jesus est due à la mise en récit d’une trajectoire exemplaire par une voix narrative peu représentative dans le champ littéraire brésilien (Dalcastagnè 2008, 96). Le vécu qu’elle partage avec son lecteur et le désir de récupérer les vestiges d’une mémoire familiale tombée dans l’oubli de l’histoire réalisent, en dernier ressort, une interprétation révélatrice de l’histoire brésilienne, par la voix de ceux qui ont été mis à l’écart du processus de modernisation. Malgré une scolarité insuffisante, Carolina Maria de Jesus affirme en avoir eu conscience assez tôt (« Moi, je n’avais que cinq ans, je trouvais étranges ces scènes antagoniques » (De Jesus 1982, 78) et avoir pu, par expérience, comprendre les mécanismes de la société de classes dissimulée par l’idéal d’une démocratie raciale. La lecture qu’elle fait de son histoire et des relations socio-interethniques dans le Minas Gerais de la première moitié du XXe siècle est une vision perçante qui peut nous aider à saisir la complexité de l’ostracisme social et des mécanismes utilisés par les Afrodescendants pour s’adapter à la société des classes. Par ailleurs, et dans une visée transnationale, un dialogue entre l’œuvre de Carolina Maria de Jesus et d’autres auteures afro-américaines reste à faire et pourrait nous permettre de l’inscrire dans une perspective littéraire et historique bien plus large.

Références #

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Dalcastagnè, Regina. 2008. « Vozes nas sombras : representação e legitimidade na narrativa contemporânea ». In Ver e imaginar o outro : alteridade, dsigualdade, violência na literatura brasileira contemporânea, 78-107. Belo Horizonte: editora Horizonte.

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Laouyen, Mounir. 2002. « L’autofiction : une réception problématique ». In Frontières de la fiction, 17 : 339-356.

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Mello Botton, André. 2020. « A contemporeneidade de Carolina Maria de Jesus ». In A contemporânea literatura brasileira – poéticas do século XXI em debate, Morgana Lourenço, Camila e Markendorf, Marcio (orgs.), 9-27. Florianópolis: Literatual/UFSC, 2020.

Mignolo, Walter. 2008. “Desobediência epistêmica : a opção decolonial e o significado de identidade em política”. Cadernos de Letras da UFF, n° 34: 287-324.

Nascimento, Abdias. 2016. O genocídio do negro brasileiro, São Paulo, Perspectiva.

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  1. Terme forgé par Luciana Hidalgo pour définir l’écriture de Lima Barreto, dans Diário do hospício, comme celle produite par un je dans un état d’urgence ou dans une situation-limite. A ce sujet, voir : Luciana Hidalgo, « A loucura e a urgência da escrita », ALEA VOLUME 10 NÚMERO 2 JULHO-DEZEMBRO 2008. ↩︎

  2. Dans sa thèse de doctorat, Mário Augusto Medeiros da Silva avait déjà proposé un dialogue entre la pensée de Florestan Fernandes, sur la place du Noir dans la société pauliste, et l’œuvre Quarto de despejo de Carolina Maria de Jesus. ↩︎

  3. Affranchie par la loi abolitionniste du 28 septembre 1871, la loi Rio Branco ou du ventre libre, qui octroyait la liberté aux enfants nés d’une mère esclave à partir de la date de promulgation de la loi. ↩︎

Pour citer ce texte :

Sandra Assunção. 2023. « Carolina Maria de Jesus, interprète du Brésil ». In Colonialismes et colonialités : théories et circulations en portugais et en français, Guerellus, Natália. Lisbonne-Lyon : Theya Editores - Marge - MSH Lyon Saint-Étienne. https://cosr.quaternum.net/fr/08.

Sandra Assunção

Universidade Paris Nanterre (França)

sandra.assuncao@parisnanterre.fr

Sandra Assunção est enseignante-chercheuse (MCF) dans le département de portugais de l’Université Paris Nanterre. Assunção a codirigé les dossiers: « Resistência na literatura brasileira contemporânea » (Revista Miscelânea, 2020) ; « Narrativas memoriais e pós-memoriais » (Revista Letras Raras, 2020) ; « Dos espaços do corpo ao corpo no espaço : literatura e cultura » (Revista REVELL, 2020) ; « Culture and Politics in Brazil: a decade under review (2011-2020) » (Brasiliana : Journal for Brazilian Studies, 2021) ; « Périphéries culturelles dans les Amériques » (Revue Rita, 2021) ; Laços de família de Clarice Lispector, Revue Hispanismes (2021).